
“Bataille au révolver dans un sous-sol de la rue St-Jean – Mort du détective Chateauneuf et du bandit Fontaine – Bernard encore au large après une fuite mouvementée,” Le Soleil. January 26, 1937. Pages 01 & 9.
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Le détective J.-Léopold Châteauneuf, victime du devoir, gît sur les dalles de la morgue à coté du cadavre d’Arthur Fontaine, abattu par le détective Gérard Aubin, lui-même blessé au cours d’une bataille au revolver entre la police et les deux bandits évadés de la prison de Québec – Le terrible drame se déroule dans une chambrette d’une maison de pension de la rue St-Jean et attire une foule nombreuse.
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SCENES DRAMATIQUES
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Pendant que la police resserre continuellement les mailles de ses filets pour retracer le fugitif Honorat Bernard, le cadavre de son complice Arthur Fontaine
gît sur les dalles froides de la morgue aux côtés de celui du détective J.-Léopold Châteauneuf, à la suite d’une sanglante bataille au revolver entre la police et les deux évadés de la prison locale au sous-sol de la pension ‘Château St-Jean’. Dans l’intervalle, le détective Gérard Aubin, blessé au cours du même engagment, luttle déspespérêment pour échapper à la mort sur son lit de douleur à l’Hôtel-Dieu du Précieux-Sang.
Cette phase de la plus dramatique rencontre entre policiers et bandits dans l’histoire de la vieille capitale, s’est déroulée sur la fin de l’après-midi d’hier quand Fontaine et Bernard ont été cernés dans leur repaire de la rue St-Jean, une petite chambrette d’à peine dix pieds carrés au sous-sol du Château St-Jean où ils s’étaient réfugiés. Fontaine et Bernard, traqués sans cesse depuis plusieurs heures, ont ouvert le feu sur les limiers qui sont riposté sans liésiter et lorsque le feu des revolvers eut cessé dans cette chambre sordide trois hommes baignaient dans leur sang au pied d’une muraille criblée de balles. Fontaine avait été abattu par le détective Gérard Aubin, le détective J.-Léopold Châteauneuf avait été blessé mortellement, et le détective Aubin avait été atteint lui-même d’une balle à la mâchoire. A la faveur de la panique causée par cette bataille au revolver, Honorat Bernard a réusssi à reprendre le large sans avoir été atteint dans la mêlée.
Depuis, durant la nuit dernière et dans la matinée. des détectives désireux de venger la mort de leur brave camarade
Châteauneuf le traquent sans merci sans oublier l’ultime commandement qui leur a été donné devant la gravité de la situation ‘Shoot to kill’ (Tirez pour tuer)!
La deuxième phase de l’évasion des détenus Fontaine et Bernard constitue le plus dramatique et le plus sanglant dénouement d’une affaire criminelle dans les annales policières de Québec. C’est la première fois que policiers et bandits échangent des coups de feu et qu’il en résulte des pertes de vie au cours d’une ‘chasse à l’homme’.
Fontaine a été abattu au fond de son repaire, tandis que le détective J.-Léopold Châteauneuf a succombé dans l’ambulance qui le transportait à l’hôpital en toute hâte après qu’il eùt reçu les premiers soins d’urgence au bureau du docteur Alphonse Giguère, de la rue St-Jean. Dans l’ambulance Châteauneuf était accompagné du docteur Paul Rochette, de la rue St-Jean.
Plusieurs personnes sont présentement détenues aux quartiers généraux de la police provinciale pour être interrogées au sujet de l’évasion des fugitifs et l’hospitalité qu’on leur a accordée.
En fouillant le cadavre de Fontaine peu après le drame, la police a constaté qu’il avait en poche une somme de $34.76 ainsi que dix-sept balles de revolver.
La police n’as pas eu de répit quand elle a intimé aux occupants de la chambrette l’ordre d’ouvrir la porte. Aussitôt, l’un des bandits a entrebaillé la porte, et immédiatement Fontaine a dirigé un véritable feu de barrage sur les limiers qui envahissaient son repaire.
Tout indique qu’à moins de complications imprévues, le détective Gérard Aubin, de Sillery, survivra à la blessure qu’il a reçue hier au cours de ce sanglant engagement. La balle qui l’a atteint au visage a quelque peu dévié au contact de la mâchoire, et ceci lui vaudra peut-être la vie. Son épouse s’est affaissée à sa résidence de Sillery en apprenant la nouvelle. Madame Aubin venait alors d’apprendre la mort du détective Châteauneuf et elle redoutait pour son mari une fine aussi pénible.
L’enquête du coroner sur les circomstance qui ont entouré la mort du détective Châteauneuf et du bandit Arthur Fontaine aura lieu cette après-midi à la morgue Marceau. Vu le grand nombre de témoins qui seront entendus, il se peut que cette enquête ait lieu au Palais du Justice.
Bataille Sanglante
La police étaiyt à la poursuite des deux fugitifs depuis dimanche soir. Toute la sûreté était mobilisée, ainis que la police municipale de Québec. Les policiers avaient la description des bandits, qu’ils connaissaient déjà pour la plupart. Ils avaient déjà fouillé plusieurs maisons, tous les endroits où les deux individus pouvaient être cachés ou bien ceux où des gens croyaient les avoir vus. Le colonel Léon Lambert dirigeait lui-même les opérations, assisté du sous-chef Kenneth Turnbull.
Il était cinq heures et dix minutes, lorsque le chef Lambert fut prévenu que les deux bandits se cachaient dans une maison de la rue St-Jean. Il s’agit d’une pension, tenue par madame Joseph Perron, 547 rue St-Jean, sur le côté nord, entre les rues Sutherland et Turnbull. Une escouade de polciiers s’y rendit aussitôt.
Cette escouade était composée des détectives suivants: Léopold Châteauneuf, Gérard Aubin, Georges Labrecque, Aimé Pettigrew, C. Bolduc et de quelques autres qui se postèrent dans la rue, pendant que ceux-ci pénétraient dans la maison.
Madame Jos. Perron leur fit visiter toute sa maison, chambre par chambre. Cette visite prit un certain temps. Lorsque les policiers eurent tout vu, la femme leur fit: ‘il y a encore un ‘flat’ en bas. Les détectives décidèrent d’aller immédiatement au rez-de-chaussée.
Châteauneuf et Labrecque sondèrent d’abord la porte. Elle était fermée à clé.
Ils commandèrent d’ouvrir, au nom de la lio. Comme les individus qui étaient à l’intérieur ne répendondaient pas, le détective Georges Labrecque enfonça la porte, en la heurtant violement. Son camarade Châteauneuf était à côté de lui; lors-que la porte céda, celui-ci se trouvait dans l’ouverture.
Fonatine tira aussitôt sur M. Châteauneuf: une première balle l’atteignit à la bouche, une autre à la poitrine, et en tombant, il en reçut une troisième dans le dos. Cependant, le détective avait tiré les six balles de son revolver dans la direction du bandit.
Tout cela s’était passé si rapidement que le détective Aubin n’avait pas encore eu le temps d’aiteindre le bas de l’escalier. Iy entendit le bruit de la fussillade et la voix de son compagnon d’armes qui criait d’un ton désespéré: ‘Je me meurs, Gérard, ils m’ont tué.’
Aubin descendit quatre à quatre les dernières marches de l’escalier visant en même temps Arthur Fontaine qui tentait un dernier effort pour se sauver en montant lui-même me l’escalier. Emporté par son désir de sauver son valeurreux camarade le détective entra comme un bolide dans la petite pièce, revolver au poing. Il fut reçu par Honorat Bernard lui-même qui lui braqua son revolver sous le nez et qui fit feu à bout portant. Le sang gicla, Aubin chancela mais sans perdre connaissance il entrepirit de se rendre chez le médecine. C’est dans ce moment de déssaroi que Bernard prit la fuite par la porte dérobée qui donne sur la ruelle.
La figure ensanglantée et brûlée par la poudre, le détective Aubin fut conduit à la porte voisine chez le docteur Alphonse Giguère. Il avait toute sa connaissance. En arrivant chez le jeune et sympathique médecine, il lui dit tout de go: ‘J’ai été blessé par les bandits docteur, prévenues je vous en prie ma famille et faite venir un prètre’.
Le docteur Giguère s’empressa d’acquiescer à son désir tout en lui donnant les premiers soins.
D’après la police, lorsque les deux bandits furent surpris, il y avait trois autres personnes avec eux dans la pension: Cyrille Emond, H. Desrochers et Darveau, le propriétaire du ‘flat’. Il y avait des bouteilles sur les tables. On a aussi trouvé un appareil de radio dans le chambre.
Les trois hommes qui se trouvaient là ont été arrêtés dans la soirée et ils sont dêtenus comme témoins importants tout comme R. Dubuc, le propriétaire du salon de barbier.
Les Blessés
Les deux détectives furent transportés à l’Hôtel-Dieu par les ambulances des maison Lépine et Cloutier après avoir été soignés chez le Dr. Alphonse Giguère, qui demeure à côté du Château St-Jean. Châteauneuf expira dans l’ambulance même alors que le docteur Paul Rochette était à ses côtés. Quant à M. Aubin, on le transporta d’aabord au bureau du Dr Alphonse Giguère, situé tout près du théâtre du drame. Le chirurgien lui donna les premiers soins et le fit conduire à l’hôpital, où on procéds à l’examen aux Rayons X.
Le cadavre de Fontaine fuit ensuite transporté à la morgue Mârceau, où on procédera à l’autopsie aujourd’hui.
Les fugitifs avaient bien choisi leur autre: les deux petites pièces qu’ils occupaient étaient louées de Mme Jos. Perron par M. Wilfrid Darveau. Ces pièces communiquent à l’extérieur par une porte presque dérobée. Situées au soubassement de la maison, on y communiqué de l’intérieur par une porte presque dérobée. Situées au soubassement de la maison, on y communiqué de l’intérieur par un escalier étroit mais assez long et où l’on voit à peine à deux pas devant sol. Au bas de cet escalier, étendu dans un passage d’au plus sept pieds de largeur par dix de longueur. Fontaine gisait dans son sang, barrant de son corps la porte de la chambre où il s’était réfugié avec Bernard. Le cadavre était à demi-vêtu: une chaussure manquait à ses pieds; sa face était ensanglanté par de nombreuses blessures, particulièrement à la tempe gauche; il était allongé sur le dos dans la posture où la mort l’avait surpris.
Dans la chambre, où l’on ne pénétrait qu’après avoir enjambé la cadavre, la lumière électrique éclairait mal les objects et les soupiraux étaient masqués par des rideaux épais. Sur une table, quatre boutelles de boisson ont été saisie par le constable J.-B. Bolduc, de la police provinciale, qui a également recueilli le revolver de l’assassin.
Tel est le triste dénouement de cette évasion sensationnelle dont nous avons raconté toutes les circonstances, hier matin. Le bandit qui vient de terminer sa vie de si triste façon est un récidiviste qui avait déjà commis toute une série de vols à main armée. Il était justement en prison pour attendre son procès après avoir été arrêté de nouveau cet automne. Plusieurs accusations très graves pesaient sur lui. Ces individu a passé cinq ans dans la Légion Etrangère, après avoir échappé une première fois à la justice. A son retour au pays, il y a quelques annnées, il a fait un récit de son séjour dans la Légion, récit recueilli par un citoyen de cette ville qui le publia sous le titre de ‘Légionnaire.’
Depuis Dimanche
Honorat Bernard et Arthur Fontaine sont venus se réfugier dimanche soir, à huit heures, à la pension située à 547, St-Jean. L’appartement où ils ont soutenu l’assaut des policiers avait été reteu par la sûreté pour être interrogé.
Après leur évasion, dans les circonstances que l’on sait, les deux fugitifs se sont dirigés vers Limoilou vraisemblablement pour dépister la police et peu après ils arrivaient à la pension.
Il est probable que ce réduit avait été retenu pour ces fins. Dans leurs perquisitions, les détectives ont trouvé dans la pièce dont les murs étaient criblés de boilles quatre bouteilles de boisson et un radio au moyen duquel les bandits ont suivi les péripéties de la chasse qui leur a été donnée.
La police tient à sa direction les deux jeunes gens qui ont été trouvés dans l’appartement au moment de la tragedie d’hier: Wilfrid Darveau et H. Desrochers dont on attend des renseignements sur l’évasion et l’écharge des coups de feu. Le barbier, M. Dubuc, dont la boutique voisine la maison de pension, ainsi que les deux jenues fils de Mme. Jos. Perron, la propriétaire de la maison, ont également été retenus comme témoins.
Cette maison où s’est déroulé le drame d’hier est bien connue de la police.
Elle est désignée sous le nom de Château St-Jean, et elle est adossée à deux établissements commerciaux, le Rita Cake Shop, une maison de pâtisseries, et la boutique de barbier de M. R. Dubuc. Tout en arrière, se trouve la falaise qui former la rue Lockwell. On croit que Bernard a réussi à s’évader en longeant les hangars et remises au pied de la falaise.
Le corps d’Arthur Fontaine a passé la nuit sur les dalles de la morgue Marceau, rue St-Vallier. Le docteurs Rosairo Fonatine, médecin-légiste, est arrivé de Montréal ce matin et il a fait l’autopsie du cadavre, cet avant-midi. L’enquête du coroner aura ensuite lieu au cours de l’après-midi.
Hier soir, le capitaine-détective Roussin, un de ses compagnons et un employé de la maison Sylvio Marceau ont fouillé les vêtements de Fontaine. Ils y ont trouvé $34 en dollars américains, 17 balles et 76 cents de monnaie. Les $34 étaient toutes des pièces d’un dollars.
Un Récit
Roland Perron est le fils de la propriétaire de la maison de pension; âgé d’environ 16 ans, il nous a fait avec assex de sang-froid le récit de ce qu’il a vu: ‘Les polices ont visité toute la maison, dit-il, je les suivais. Il ne restait que le ‘flat’ d’en bas mais on leur a dit que les bandit, n’étaient pas là, que le flat était loué par M. Wilfrid Darveau qui en avait la clé.
‘Les cinq polices sont descendues en bas et moi avec eux. Ils ont frappé à la porte et ont demandé qu’on leur ouvre. Ils n’ont pas eu de réponse; alors ils ont dit qu’ils allaient défoncer. Là, les bandits ont fait jouer la serrure puis ils ont ouvert doucement la porte et ils ont tiré: c’est un vrai ‘tapon de feu’ qui est sorti de la porte, j’ai vu qu’un détective était blessé, j’ai manqué être atteint moi aussi. Je me suis sauvé en courrant.’
– ‘La police a-t-elle tiré
aussitôt? Avez-vous vu Bernard s’enfuir?’
– ‘Vous comprenez, je n’ais pas eu le temps de voir.’
La propriétaire de maison nous répète qu’elle ne savait pas que Fontaine et Bernard étaient dans les pièces de soubassement et que Darveau, qui en est le locatair, n’y entrait ou sortait que par la porte qui donne précisement dans la chambre où Fontaine et Bernard ont été surpris.
Fontaine Au Maroc
Fontaine n’a pas fait que des mauvais coups dans sa vie mouvementée et on trouve, en consultant son carnet militaire de la Légion étrangère, une citation à l’ordre du jour pour bravoure sur les champs de bataille. Voici le texte de cette citation, avec le nombre des blessures reçues par Fontaine qui fut décoré de la médaille coloniale:
Felicitaions – Ordre General No 22
Le 7 février 1925, se sont portes au secours de leur chef, l’adjudant Hiou, tombé dans une embuscade près du poste de Tamakaut – ont fait preuve de sentiments élevés de camaraderie militaire et d’abnegation en demandant de faire partie de la patrouille chargée d’aller rechercher le corps de ce sous-officier.
2) mai 1926. – Blessures externes, éclats de grenade, 5c.
Coup de balonnettes, cuisse droite.
Décorations. – Médaille coloniale, agrafe Maroc 1925-26 – No 431-419.
Les Photos
Les photographies de Fontaine et de Bernard fournies à la police provinciale provenaient de la galerie des criminels organisés par les détectives.
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Honorat Bernard est encore en liberté au moment où le ‘Soleil’ va sous presse – Un représentant de notre journal accompagne des détectives et les agents de police sur les diverses postes suivies dans l’espoir de rattraper Bernard, vivant ou mort – Courses effrénées à travers la ville pendant une bonne partie de la nuit – Plusieurs personnes prétendent avoir vu Bernard – La police visite un tramway
où le bandit aurait pu se trouver.
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NOMBREUSES ALERTES
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Le sinistre bandit Honorat Bernard est encore en liberté au moment où nous allons sous presse. Malgré les efforts désespérés de la police, malgré une chasse à l’homme mouvementée qui a duré une partie de la nuite, Bernard est libre. La police l’a vu pour la dernière fois, avec certitude, vers minuit. Depuis, on a suivi plusieurs pistes dans l’espoir de la rattraper vivant ou mort.
Pendant que le malheureux détective Châteauneuf était dirigé vers l’hôpital sous la surveillance du docteur Paul Rochette, médecin de la rue St-Jean, et du docteur Alphonse Giguère, qui a son bureau professionnel tout près du théâtre du drame, le cadavre de Fontaine gisait toujours au milieu d’une mare de sang. La foule grossissait sans cesse aux abords du Château St-Jean, et un véritable flot humain déferiait de partout dans la direction de ce secteur de la rue St-Jean. Toute cette multitude était en proie à une grande nervosité, et les rumeurs les plus confuses ne cessaient de circuler dans ce milieu. Soudain, on vit une escouade de détectives sortir rapidement de la pension St-Jean pour sauter dans une automobile qui démarra à toute vitesse vers le nord de la ville. Immédiatement la représentant du “Soleil’ apprit que Bernard pouvait avoir été vu à Stadacona, et il héla un taxi pour transporter sur les lieux. Cette voiture suivait constamment celle de la police, et dans cette course rapide, un jeune homme a failli être blessé par la voiture qu’occupait le représentant du ‘Soleil’, au coin des rues de la Couronne et St-Vallier. Le jeune hoome traversait alors la rue tête baisée en face de nos édifices, et il se jeta aveuglement sur le garde-boue de l’automobile. Il ne fut que légèrement touché cependant.
Course Effrenée
Cette course endiablée de l’escouade des policiers suivis du représentatnt du ‘Soleil’, se termina au coin des rue St-Amadour et Osanam, en arrière de l’église St-François d’Assise. A cet endroit, un chauffer de taxi guida les limiers sur la galerie d’une résidence de la rue St-Amadour en leur disant: ‘C’est ici qu’il a été vu pour la dernière foix.’ Ce dernier prétendait alors que Bernard était monté dans son taxi au coin des rue d’Aiguillion et Marchand, à la Haute-Ville, et qu’il s’était fait diriger vers St-François d’Assise. ‘Il m’a payé la course, dit encore ce chauffeur aux policiers, puis après avoir traversé le terrain vacant que vous voyez, il a escaladé les quelques marches de l’escalier d’une propriété privée. En le voyant fuir à travers ce terrain vacant, j’ai réalisé alors que cet homme pouvait être Bernard’.
Travail Audacieux
D’autre part, deux bambins qui jouaient dans la neige sur ce terrain vacant, affirmèrent qu’un homme était passé près d’eux à la course, mais comme ils n’étaient pas encore au courant du drame de la rue St-Jean, ils ne portèrent pas attention à ses gestes. C’est à ce moment que des détectives, revolvers au poing, accompganés d’autres agents portant des bombes lacrymogènes et des projecteurs à pile-sèche se mirent à fouiller la propriété privée de la rue St-Amadour vers laquelle se serait dirigé Bernard. Le représentant du ‘Soleil’ suivait toujours de près le détective Martin Healy qui fit preuve d’audace et de sang-froid. On fouilla sous les galeries, dans les ruelles, à l’arrière des résidences, et même les bords de la petite rivière Lairet qui coule en arrière de ces propriétés. Des voisins attirés sur les lieux par le travail des limiers émirent l’opinion que Bernard serait allé se jeter dans la rivière en se voyant cerné de près, mais cette hypothèse fut vite rejetée. En effet, la rivière était couverte d’une épaisse couche de galce, et comme elle n’a que le volume d’un petit ruisseau à cet endroit, le fugitif n’aurait pu y faire le plongeon fatal.
Tramway Vide
Comme les détectives sortaient d’une ruelle voisine, ils aperçurent un gaillard de la stature de Bernard qui courait à toutes jambes dans la direction du tramway, et qui arriva au coin de la première avenue et de la rue St-Amadour au moment même où la voiture ‘653′ du Quebec Power allait stopper. L’homme y monta rapidement, et le tramway reprit sa course en direction de Stadacona. Deux voitures chargées de détectives partirent alors dans une direction opposée, et non loin de la Pointe-aux-Lièvres, le tramway fût cerné de toutes parts. Deux détectives y montèrent au grand émoi des passagers, mais ils réalisèrent en une seconde que l’homme en question était un paisible citoyen, et le groupe retourna alors sur la scène du drame.
Une Bagarre
Il était environ 6 heures 15 à ce moment, et la foule était devenue plus considérable sur la rue St-Jean. On savait que le cadavre du fugitif Fontaine était encore dans la maison cernée par la police, et ces milliers de curieux espéraient pouvoir assister au transport de la dépouille dans le fourgon. Vers 7 heures moins 5 minutes, le fourgon de la maison Marceau arrivait en face du No 547 de la rue St-Jean, et la ruée de la foule devint alors si forte que cette voiture eût mille difficultés à atteindre le but de sa course. Le cadavre de Fonatine, placé sur une civière, et dissimulé complètement aux regards par une couverte de laine de couleur sombre, fut sortu par une porte latérale du salon de barbier de M. R. Dubuc et placé dans le fourgon, qui démarra vers la morgue immédiatement. La pression de la foule était si considérable à ce moment, que des curieux ennuyés d’être victimes des coups de coudes, se mirent à jouer du poing. Un constable de la police municipale dut intervenir pour séparer deux assaillants. Un peu plus tard, arriva un tramway qui devait traverser l’attroupement, et des jenes gens lui barrèremy la route pour le fair balancer ensuite sur son châssis avec la force de leur bras vigoureux. Le départ du cadavre de Fontaine baissait le rideau sur ce drame autour du Château St-Jean. Ce n’est que ver huit heures que la foule commençu à se disperser, et toute la soirée des gens sont accourus de toutes les parties de la ville pour examiner la scène du drame. Des agents de la police provinciale ont monté la garde toute la soirée et toute la nuit à l’intérieur de cette pension, et personne n’a été autorisé à visiter la chambrette où Fontaine a été abattu. Le salon de barbier de M. R. Dubic a été plongé immédiatement après le drame, tandis que tout à proximité, les lumières du Rita Cake Shop brillaient comme à l’ordinaire.
Aux bureaux de la police provinciale, malgré la gravité du moment et l’épreuve à laquelle les hommes faisaient de courtes allusions, le plus grand ordre régnait. Le détective Tremblay communiquait constamment par le téléphone.
Volontaires
Lorsqu’il rassembla de nouveau une équipe pour une nouvelle chasse, tgous les constables se présentèrent, en véritables volontaires. Après les mêmes recommandations qui avaient précédé la course à Stadacona, l’escouade se dirigea vers la maison qui porte le numéro 4, rue St-François. Les policiers descendirent revolver au point et en un rien de temps tout le pâté de maisons et de hangars ramassé à cette intersection des rue St-Roch et St-François fut entouré d’un cordon infranchissable. Un groupe entra dans la maison pendant que les autres se tenaient devant les issues, les armes braquées et prêtes à faire feu si Bernard essayait d’échapper.
Après avoir perquisitionné dans toute la bâtisse, il fallut se rendre à l’évidence: Bernard n’y était pas et il était toujours au large. Une autre information survint selon laqueel le fugitif avait été vu à Stadacona et les forces policières prirent de nouveau cette direction.
Cette chasse à l’homme s’est poursuivie pendant toute la soirée: on signalait Bernard tantôt sur le boulevard Charest où l’on racontait que le bandit était entré chez un barbier, tantôt on l’avait vu sur la rue St-Joseph…
Nombreuses Courses
Vers 7 heures et 15, Honorat Bernard pénétrait dans un magasin de la rue Lejeune, près de l’église de Stadacona, et demandait à téléphoner à la dame qui était venue lui répondre. Il avait commencé à signaler lorsqu’il aperçut le proprietaire du magasin, il abandonna l’acoustique et prit la porte.
Les autorités policières furent immédiatement prévenues et une escouade de policiers fut dirigée sur les lieux en toute hâte. A leur arrivée, le fugitif avait bel et bien pris la fuite dans la direction de Limoilou.
A Limoilou
Quelque minutes plus tard, le chef Léon Lambert qui dirigeait continuellement ses hommes recevait un message téléphonique de M. Lacasse, épicier, 441. ee avenue, coin de la 12e rue, que Bernard s’était présenté à son magasin et qu’il avait voulu appeler un taxi, mais qu’en l’aparcevant il avait pris la fuite en descendant la 3e avenue. Plusieurs agents de police, munis de revolvers et de bombes lacrymogènes, furent dirigés sur les lieux pour faire enquête/ L’individu qui s’était présenté à l’épicerie Lacasse était bel et bien Bernard qui avait pris une direction inconnue.
Nouvelle Alerte
Comme un véritable détraqué, Honorat Bernard se rendit au salon de barbier de M. Amédée Delisle, 154 boulevard Charest. M. Amédée Delisle était absent. C’est le fils de ce dernier. M. Conrad Delisle oui recut le client sans le reconnaitre. ‘Tu vas me faire la barbe,’ lui dit Bernard d’un ton impératif. ‘Asseyez-vous dans la chaise,’ reprit le barbier. ‘Ah non’, reprit alors Bernard. ‘Je veux voir dans le miroir ce qui se passe derrière. Je vais rester debout’.
Pendant tout ce temps-là, Bernard tenait ses deux mains dans ses poches. M. Conrad Delisle ne fut pas lent alors à reconnaitre Bernard. Sous l’empire de la crainte, il le rassa. ‘Fait ça le plus vite possible’ de reprendre Bernard. ‘Je suis pressé. Je suis aussi un peu anormal de ce temps-ci, mais je ne suis pas en boisson’.
Le fugitif ne restait pas en place et paraissait très agité. Il surveillait continuellement en arrière de lui. Un des gendres de M. Delisle vint à entreer et demands à voir son beau-père qui était absent. En entrant dans le salon de barb ier, il reconnut aussitôt Bernard et sans faire mine de rien connaitre il se dirigea prévenir la police.
Pendant tout ce temps-là, Bernard continuait à se faire raser. A un moment donné, il apercut dans le miroir un homme et une femme qui se trouvaient sur le trottoir. Il les reconnut et se leva la main en se montrant deux doigts en signe qu’il seriat prêt dans deux minutes. Le barbier lui avait rasé les deux
côtés de la figure et allait lui couper la barbe dans le cou, lorsque Bernard lui dit que c’était assez. Il prit un trente sous et paya le barbier en jetant l’argent sur la table. En sortant, Bernard voulut s’emparer d’un pardessus appartenant à M. Conrad Delisle, mais madame Amédée Delisle intervint en disant que ce manteau était la propriété de son fils.
Bernard prit ensuite la fuite dans la direction de St-Sauveur. A l’arrivée de la police, il venait à peine de laisser les lieux pour prendre une direction inconnue.
A La Police
Après l’émoi causé par le bandit Bernard à la suite de son entrée dans un salon de barbier de la rue Charest, l’inquiétude de la population s’accrut et chacun croyait voir le fugitif dans son quartier. La police, sous la direction du chef Lambert, a répondu à chacun de ces appels, dans l’espoir de capturer Bernard.
C’est ainsi que les policiers furent successivement appelés au No 180, rue des Oblats, où une femme dit qu’elle avait vu un homme, en veston, le chapeau rabattu sure les yeux et qui mangeait à un restaurant. Un appeal dirigea également la police au restaurant ‘Canari’, rue de la Couronne, puis dans la
côte des Bell, où l’on avait vu un homme rôder dans les hangars, sur la route Ste-Claire et enfin, dans la cour de l’école St-Joseph.
Mais aucune de ces indications n’amena l’arrestation du bandit.
Plusieurs personnes alertées par ces courses, et par la nouvelle que le redoutable desperado circulait ici et là en ville, ont refusé de quitter leur demeure hier soir. On nous, a appris également que dans tous les coins de la ville les chauffeurs de taxis étaient bien sur leurs gardes, et qu’ils communicquaient à la police tous les renseignements qu’ils pouvaient obtenir au sujet des course de Bernard.
Des Alertes
Tout un émoi a été causé en ville sur la fin de la matinée quand des détectives et des constables de la Sûreté provinciale, secondés par une escouade de la police municipale, ont entrepris une nouvelle course dans la partie basse de la ville pour se diriger à l’extrémité ouest de la rue St-Vallier. A la suite d’information reçues par la police, on était sous l’impression que le desperado Honorat Bernard s’était présenté dans un petit restaurant situé à proximité des limites de la ville. Les limiers ont fait irruption à cet endroit revolver au poing, mais après avoir procédé à l’examen des lieux, ils ont constaté que Bernard n’avait pas été vu à cet endroit.
Au cours de la nuit dernière, un jeune homme qui connait bien de vue Honorat Bernard a prétendu que ce dernier était passé à la course sur la rue Lachevrotière. Des policiers ont été dirigés immédiatement à cet endroit, mais dans ce cas encore, l’information était erronée.
Depuis l’heure du drame de la rue St-Jean, les membres de la police provinciale ont été obligés de multiplier les courses en ville à la suite d’informations venant de tous les milieux.
On ne signale aucune nouvelle arrestation. Hier soir dans la soirée, dans les parcs et aux environs de la ville, on a arrêté un bon nombre de suspects pour les interroger, mais on les a relâcher aussitôt. Notamment, un homme et une femme qui étaient au cours de la nuit sur les plaines d’Abraham, ont été conduits aux quartiers généraux de la Sûreté provinciale. Après leur avoir posé quelques questions et les avoir identifiés, la police les a
relâches, et les intéressés ne se sont pas formalisés à cette cérémonie.
Un peu avant midi le directeur de la Sûreté provinciale, le lieut.-colonel Léon Lambert, s’est rendu à la prison pour sa visite quotidienne. En raison des circonstances particulières, il était aujourd’hui accompagné de M. Albert Plouffe, secrétaire particulier du premier ministre.
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